Je ne sais pas pour vous, mais moi, lors de repas de familles ou d’apéros entre amis, il y a toujours ce moment. Que ce soit une petite réflexion placée adroitement, un long discourt plein de convictions ou bien une anecdote personnelle racontée sur le ton de la confidence, quelqu’un dit une chose avec laquelle je ne suis absolument pas d’accord. Soudain, j’ai ce sentiment qui me submerge : je sais que cette personne a tort et qu’elle véhicule des opinions / croyances dangereuses.
Dans ces cas-là, je me sens obligée d’intervenir. Si je ne dis rien, j’ai l’impression d’être complice, d’approuver sans le dire. Et puis, il y a autour de moi d’autres personnes qui peuvent être plus fragiles, plus influençables, et qui risquent de se laisser convaincre. Ou alors, même si je n’ose pas intervenir, on va me demander mon avis, et je ne peux pas faire semblant d’être d’accord.
Mais chacune de mes tentatives se révèle être complètement contre-productive.

Comment avoir une conversation saine, utile et efficace ? Comment exprimer son désaccord ? Qu’est-ce qu’il ne faut surtout pas faire/dire ? Comment empêcher la propagation de croyances dangereuses ?

Voici quelques éléments de réponse issus de mes expériences personnelles et de conseils que j’ai glanés ici et là (voir pour aller plus loin)

Mise en situation

Controverse

Imaginez que vous êtes dans un repas de famille, en face de votre tante qui a des opinions politiques complètement opposées aux vôtres, et coincé entre votre cousin qui vient d’essayer un nouveau régime douteux trouvé sur internet et votre nièce adepte des théories du complot.
Au cours du repas, forcément, l’une de ces trois personnes aborde le sujet délicat et vous demande votre opinion. Que répondez-vous ?

Vous détournez habilement le sujet

Vous passez le reste du repas à parler de météo et de recettes de cuisines, chacun repart chez soi satisfait et somnolent. Une solution diplomatique, et pourtant vaguement insatisfaisante. Deux autres membres de votre famille ont été intrigués par le sujet et vont aller se renseigner sur internet.

Vous affirmer d'un ton définitif que vous ne croyez pas à ces conneries

Votre interlocuteur tentera quelques arguments pour vous convaincre et, voyant que vous restez buté, changera de sujet. Vous serez connu comme la tête de mule de la famille, manquant d’ouverture d’esprit. On n’abordera plus ces sujets en votre présence.

Vous décidez de démontrer que votre interlocuteur a tort

Votre interlocuteur est passionné du sujet, il a une flopée d’arguments tout prêts. De votre côté, vous n’êtes ni expert ni préparé, vos propos sont embrouillés. En trois échanges, il vous vainc par KO et rallie à ses convictions l’ensemble de la famille.

Vous dites que ceux qui croient à ces fantaisies sont des demeurés

Vous vous mettez la moitié de votre famille dans la poche, l’autre moitié à dos. Votre cousin compte les points. À la fin du repas, chacun est encore plus ancré dans ses propres convictions.

Vous parlez à votre interlocuteur d'un blog génial avec plein d'outils pour réfléchir

Il vous dira « c’est intéressant, j’irai voir à l’occasion ! » et oubliera trente secondes plus tard. (Mais vous aurez ma bénédiction éternelle)

Est-ce que vous avez déjà vécu ce genre de situation ? Avez-vous obtenu des réactions différentes ? N’hésitez pas à partager vos expériences dans les commentaires !

J’ai pris l’exemple d’un repas de famille, mais ces principes s’appliquent à toutes les conversations et sur tous les sujets : sur internet, dans les commentaires, les forums, les blogs… Au super marché, avec un inconnu, dans une salle d’attente, avec des amis autour d’un verre…

Comment avoir une conversation saine et efficace

Un peu de réalisme

Avez-vous déjà changé d’opinion au cours d’une simple conversation, en particulier sur un sujet sur lequel vous aviez des convictions ?

Votre interlocuteur ne changera pas d’avis immédiatement. Peut-être même qu’il ne changera pas d’avis tout court. Le mieux que vous puissiez faire est de l’amener à se poser des questions.

Un peu de recul

Ne plongez pas tête baissée dans le débat. Souvenez-vous que votre interlocuteur est lui aussi persuadé d’avoir raison. Essayez de vous mettre à sa place.

Un peu d’humilité

Vous n’avez pas la science infuse. Votre interlocuteur sait probablement des choses que vous ignorez.
Ne vous posez pas en donneur de leçons.

Un peu d’écoute

Dans un dialogue, l’écoute est essentielle. Si vous coupez sans arrêt la parole à votre interlocuteur, il va se sentir agressé, il va avoir l’impression que vous voulez le forcer à rejoindre votre opinion et que vous ne vous intéressez pas du tout à lui.

Un peu de curiosité

Votre interlocuteur a probablement des choses à vous apprendre, que vous partagiez ses opinions/croyances ou non. Intéressez-vous à ce qu’il vous dit, à lui. Peut-être que c’est à vous de vous remettre en question ?

Un peu de tactique

Même si vous pensez que ce qu’il dit est faux, même si vous connaissez bien le sujet et que vous avez des preuves, ne le dites jamais tel quel. N’attaquez jamais de front. À la place, posez des questions ouvertes du type : « Comment est-ce que tu sais cela ? » ou « Est-ce que tu peux m’expliquer plus en détails pourquoi… ? » ou encore « Pourtant, cela ne contredit-il pas… ? »

Quoi qu’il arrive, s’il doit changer d’opinion, cela ne viendra que de lui-même.

Un peu d’honnêteté

Si vous avez lu d’autres articles de mon blog, ou si vous vous êtes renseigné via d’autres sources sur le sujet, vous connaissez des techniques de manipulation, des erreurs de logique et des arguments fallacieux. Le but, quand on apprend l’existence de ces éléments, est non seulement de les repérer dans les discours que nous entendons, mais aussi de ne pas les utiliser nous-même lorsque nous débattons.
En d’autres mots : pas de triche, et beaucoup de vigilance !

Un peu de patience

Même si vous arrivez à faire douter votre interlocuteur, vous n’obtiendrez (presque) jamais un résultat immédiat. Laissez-lui le temps de l’introspection, de la réflexion.

Un peu de fun

I had fun once

Un jour, je me suis amusé. c’était horrible.

Un repas de famille ou un apéro entre amis n’est clairement pas le bon moment pour sortir des définitions de notions complexes ou des résumés de débats ultra techniques. Préférez des exemples simples et des expériences amusantes. Ce sont les genres d’arguments qui marquent le plus les esprits, cela allège l’ambiance et vous permet de passer un bon moment.

Un peu de stratégie

Pourquoi attendre un sujet précis pour diffuser des informations qui aident à réfléchir et à se remettre en question ? Profitez de l’occasion pour raconter vous-même une anecdote amusante, faire un tour de magie, montrer une illusion, faire une petite expérience et débattre ensuite du résultat… Donnez les outils à votre entourage et laissez-les s’en servir.

Ce que cela nous apprend

En résumé, quel que soit le sujet de la conversation, respect, écoute et patience seront toujours les vertus les plus efficaces.

repas

Et si vous êtes à table, n’oubliez pas de profiter du repas

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